© Emmanuel Smague
Emmanuel Smague – Innocences
Do – Le photographe est
musicien, son violon offre une part de son âme à qui veut bien la saisir sur
les chemins de traverse de l’Afrique de l’ouest. Donner c’est aussi recevoir en
échange ; le photographe ne dérobe rien, les images ne sont que les
empreintes d’instants partagés.
Ré – Ses chaussures de vent
l’ont porté dans de nombreux pays ; dix sont ici représentés mais leur
liste n’est qu’anecdotique. Car le propos tenu n’est pas géographique, même pas
ethnographique, il ne démontre pas, il ne rationalise pas, il montre, tout
simplement, et c’est à prendre avec le cœur.
Mi – Ici point de couleurs
pour empaqueter le propos. Prenons cet instant de vie au bord du fleuve Niger
où l’on sent bien que le soleil tombe à rayons raccourcis sur le paysage. Juste
du noir pour les ombres, quelques gris ici et là, et un immense ciel blanc qui
s’arroge presque toute la place.
Fa – Ne nous laissons pas
égarer par la simplicité apparente de la composition. Reprenons, pour
l’exemple, l’image des berges du Niger. Les personnages debout dialoguent au
sens propre mais aussi graphiquement avec les garçons qui jouent. Puis le
regard poursuit une spirale le long des jambes de l’enfant pour nous laisser
sur la minuscule silhouette qui au loin s’en va, sa charge sur la tête, vers on
ne sait quelle destinée. Et l’on s‘arrête là, essoufflé.
Sol – Cette image de
Katmandou où l’enfant mendiant s’asperge de sang animal afin que la pitié des
passants dépose des amas de billets devant son corps à moitié nu porte
témoignage d’une extravagante complicité avec le photographe. Quelle nécessaire
connivence permet la cohabitation de l’homme blanc avec ces très jeunes
adolescents dont le dessein journalier est de tout simplement survivre ?
Quelle singulière empathie permet d’unir à ce point les dissemblances de
natures ?
La – Qui regarde qui ?
La jeune fille à la poupée trop grande plonge avec confiance ses yeux droit
dans les nôtres. À y regarder de près son sourire est celui de Mona Lisa. Se
moque-t-elle ? S’il manque un œil à sa poupée, son royaume s’étend sans
d’autres limites que l’horizon où se devinent des montagnes. Ici l’instant
décisif s’efface, le temps s’arrête, s’étire et devient lui aussi infini.
Si – Le photographe tisse
des liens entre lui et les autres, jette un pont entre nous et les autres. Le
jeune écolier Rom endimanché qui pose devant le taudis de tissus et de cartons
que sa communauté habite semble partager plus de choses avec nous qu’avec les
habitants des immeubles voisins.
# Chaque cliché proposé est
comme un accord. Accord majeur que l’on perçoit sans nuance à l’instar de ces
enfants arméniens qui jouent dans leur maison ou accord mineur, plus subtil où
l’œil découvre des résonances et des échos à l’exemple de ce bébé du Ladakh
dans son couffin d’osier.
Daniel Collobert, avril 2012
Né à Rennes en
1968, Emmanuel Smague n'a depuis jamais quitté la Bretagne..., sauf quand il
s'évade. Nomade et sédentaire à la fois. Chacune de ses destinations est
directement lié à un projet photographique : le Transsibérien, les peuples
nomades de l'Asie Centrale à la Mongolie, les chiffonniers du Caire, la région
de Tchernobyl, les enfants de la rue à Katmandou, un quartier de prostituées au
Bangladesh... Voyageur ou photographe ? Sans doute les deux. Une nécessité de
s'inventer des prétextes à la découverte et la rencontre d'un peuple.
Expositions au
Carré d'Art, Chartres de Bretagne ; au festival Pluie d'Images, Brest ; aux Estivales
Photographiques du Trégor, Lannion ; à l'Hôtel de Sauroy, Paris…
Livre sur le
Kurdistan irakien aux Éditions de Juillet (2009) : « Kurdes, de
l’ombre à la lumière ».
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